Il y a quelques jours j’ai revu Esteban (nom d’emprunt).
Esteban je vous en ai déjà parlé ici et puis là…
Cela faisait près de deux ans qu’il n’avait plus passé le pas de la porte de l’assoc’ ni donné de nouvelles.
Estaban est sans-abri. Depuis longtemps. Tellement longtemps qu’on pourrait dire depuis toujours. À la mort de sa chienne, il y a deux ans, on l’avait vu fort affecté avant de ne plus le voir du tout.
Esteban m’avait un peu raconté sa vie dans son anglais de bourlingueur. Il ne m’avait raconté que des morceaux choisis car, sachant que j’aime écrire, il voulait la garder pour l’écrire lui-même, un jour, quand ça irait mieux.
De ne plus le voir me manquait.
Et le voilà soudain là. Dans la salle d’accueil de l’assoc.
Je m’approche toute enthousiaste. Comme quand on retrouve un frère qui rentre de voyage. Je lui tends la main pour le saluer. Il est heureux de voir mon enthousiasme mais hésite à me tendre la main . Il s’excuse et me la montre, noire de crasse. Je l’attrappe et la serre en lui disant que je suis heureuse de le voir. Et heureuse de voir un petit yorkshire au bout de sa laisse. (Il l’a appelé pépère « parce que c’est un vrai belge »).
Si Esteban avait été aussi proche de moi que mon frère qui rentrerait de voyage, si il pouvait mieux comprendre ma langue, j’aurais pu lui dire. J’aurais pu lui dire ce que je voudrais dire à chacun.e de ceux.celles qui se sont confiés à mon écoute. Et qui, peut être, me lisent ici.
J’aurais pu te dire que c’est un honneur pour moi de te connaitre. De serrer ta main. De la tenir dans la mienne. Qu’importe sa couleur, qu’importe son état. Qu’importe tes choix et tes non-choix. Qu’importe la route que tu as dû prendre pour en arriver là. Qu’importe ta couleur, qu’importe ton état. Qu’importe ou plutôt à cause de tout cela, c’est un honneur pour moi.
Je suis honorée parce que tu m’as reconnue. Parce que tu me reconnais comme ton égale. Écouter, accueillir ce qui t’habite – ta langue, ton histoire et son accent, ton incroyable courage, ta résilience- me permet de reconnaitre en toi ce qui nous habite tous, qui est plus grand que nous. Notre divine fraternité, notre humanité.
C’est un honneur pour moi que tu me serres la main, que tu m’appelles ton amie ou que tu viennes déposer ce qui sera moins lourd si on plus d’un à le porter.
Parce que t’accueillir c’est, ouvrir à Celui qui frappe à ma porte. Le laisser entrer et y demeurer.
Bouleversante Chouchou… c’est une telle émotion de te lire et de prendre ton message pour soi